Orfeo

Publié le par Lucy

Orfeo
Orfeo

Orphée et Eurydice voient leurs noces troublées par de sombres présages. Dédaignant ces augures funestes, les deux amoureux convolent malgré tout, au grand désespoir d'Aristee, amant éconduit d'Eurydice. Ce dernier s'abandonne aux conseils de Vénus et tend à la belle un piège mortel...


Voici le deuxième spectacle consacré au mythe d'Orphée par l'opéra national de Lorraine. A priori, ce n'était pas celui que j'attendais avec le plus d'impatience. Et pourtant.

Ce spectacle est une re-création de l'œuvre de Rossi interprétée en 1647 devant le jeune Louis XIV âgé de neuf ans, sa famille et la cour. C'était le premier opéra jamais joué en France, et le public découvrit alors un style nouveau et des sonorités inconnues car cette œuvre nécessitait des voix de castrats. Autant dire qu'elle a de quoi attirer les passionnés (la salle était comble). Dépouillé des scènes et nombreuses sous-intrigues voulues par Mazarin, l'artisan principal de cette création qui était alors un manifeste politique, Orfeo dure encore près de trois heures (une paille par rapport au six d'origine) mais on ne les voit pas passer. L'intrigue est recentrée sur le triangle amoureux, ménage également quelques aspects comiques avant de basculer dans la plus sombre tragédie.

Il n'y a pas de "grand air", peu de répétition dans les paroles et quasiment chaque ligne de texte fait avancer l'intrigue. C'est dire si l'œuvre est dense! On sent que le genre est à ses débuts lorsque les morceaux sont introduits par le soliste avec "comme le dit le poète" ou "reprenons cette chanson connue"...

Musicalement c'était du miel pour les oreilles. Une partition suave, des duos sensuels et touchants entre Orphée et Eurydice, une grande richesse dans les mélodies. Et une interprétation subtile et toute en nuances de l'ensemble Pygmalion. Je me suis transformée en une représentation en groupie de Raphaël Pichon! En plus de ça, j'avais la chance d'être au troisième rang, relativement au centre avec vue imprenable sur la collection d'instruments baroques (théorbes et le petit frère, teorbino, clavecins et claviorganum)

Un mot sur l'époustouflante distribution: Orphée et Aristée, originellement des castrats, sont interprètes par des femmes et l'on peut dire qu'elles offrent une performance remarquable. A l'inverse, la Nourrice, la Vieille et les Parques sont des hommes. Cela contribue à brouiller les repères et à donner un aspect fantastique à l'œuvre. Francesca Asprotomonte interprète une Eurydice radieuse, amoureuse puis tragique sans minauderie et possède un timbre magnifique. Chacun des interprètes a eu droit à l'une des plus chaleureuses ovations que j'aie jamais entendue (et je n'étais pas la dernière à applaudir et frapper des pieds).

Enfin, pour compléter le tableau, la mise en scène était d'une grande finesse et d'une sobriété parfaite en contrepoint de la déferlante de notes. Un monument d'intelligence qui transforme l'aventure d'Orphee dans l'au-delà en processus psychologique de deuil. On se demande ainsi si Eurydice n'a pas été morte tout le temps et qu'Orphée ne l'a pas fait revivre le temps de réaliser l'inéluctabilité de son décès.

Le travail sur les lumières était particulièrement remarquable.

Voici le billet le plus enthousiasme que j'aie écrit depuis longtemps mais je vous assure que les mots sont insuffisants pour dire à quel point j'ai été émues, troublée et transportée par cet Orfeo. Et très fière d'avoir assisté à cette création estampillée opéra national de Lorraine!

Un conseil: ne manquez pas ce spectacle s'il vient à passer près de chez vous. Pour les autres, il sera diffusé en direct le 9 février à 20h sur Culturebox.

Publié dans produit culturel

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